Image vue mille fois. Goûter familial sur l'herbe et un peu plus loin, presque' oublié, sur l'avant-scène du bosquet ombreux, une voiture d'enfant solitaire. En apparence rien ne se passe dans cette idylle parfaite. Pourtant que de choses ! Et qui plus est des choses qu'on ne peut comparer qu'à la naissance du monde. De sous la capote de la voiture d'enfant, un nourrisson muet observe un arbre muet.
Cet arbre est comme une nourrice géante, un premier instituteur. Chacune de ses feuilles est pareille à l'autre. Dans notre petite enfance c'est lui qui nous apprend le langage de l'existence du monde. Et seule l'attention d'un nourrisson est assez forte pour comprendre ce langage. Plus tard notre attention se fatigue et nous oublions les mots des arbres. Mais pas tout à fait.
Car qu'est-ce qu' un arbre "dit" à un nourrisson ? Cela même qui est indicible. Mais cet indicible et muet langage existe tout de même, de tous les langages il est le plus puissant. Son discours c'est que le monde existe. C'est cet unique et immense mot qui constitue son vocabulaire. Plus tard le monde nous dira comment et dans quelles formes il existe. Ce langage-là est déjà dicible, constitué de mots nombreux comme les grains de sable d'une phrase sans fin. C' est la deuxième langue du monde, le discours des adultes qui peu à peu voue le premier, le discours muet, à l'oubli. Mais pas tout à fait. Le langage dicible, pratique, du monde adulte se tait de temps en temps en nous pour que, même pour quelques instants nous revenions au mot unique, immense et muet de notre première et paradisiaque prise de conscience.
Janos Pilinszky
c'est un silence qui parle
RépondreSupprimersans étonnement
je le sais
et j'écoute