vendredi 3 octobre 2025

 

 

 

 

Tu as changé le paysage entre nous.

A l’un et l’autre entre nuages et racines malheur est arrivé.

Jamais le frère ne repose auprès du frère

et le pont de la confiance est perdu de vue pour tous.

Je ne sais plus sur quoi je marche ni vers où,

car aucun vent ne me rapporte ta voix,

aucun chant d’oiseau, aucun bruit dans les branches.

Les quatre directions du ciel indiquent le bas

et ma main, qui cherche ta manche à tâtons,

revient vide et marquée de signes.

Voilà ce que j’ai à crier, et c’est comme un orage qui me met nue,

toute nue, jusqu’à l’âme, et sans pudeur sous les étoiles.

Pourquoi donc, pourquoi m’as tu laissé le cri?

Et les yeux, cette devise sous le front anxieux?

Pourquoi ne m’as-tu pas arraché le cœur de sous les côtes

pour le fouler aux pieds et en jeter les restes aux chiens?

Voilà ce qu’il fallait faire avant de me livrer au village!

Car c’est cela l’enfer dont mon enfance horriblement rêvait,

et sûrement plus tôt déjà, dans le sein de ma mère affamée.

Tout vient de là.

C’est de là déjà que viennent ma faiblesse et ma soif de prodiges,

d’un prodige qui me donnerait enfin la beauté

du pouvoir amoureux, et ensuite, de l’accès aux anges de clarté.

Cela était à ta portée!

Je le sens encore maintenant sous la peau où la bête grandit en gémissant.


Christine Lavant, Un art comme le mien n’est que vie mutilée


 


 


 
 
 
 
 
 

 

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